Le domaine de Besmaux :
On trouve ce nom orthographié de diverses façons suivant les différentes périodes et sources : Benzmaus, Besmals, ou encore Baisemeaux , Baismaus, et enfin Besmaux... !
L'environnement du lieu serait à l'origine de son nom. De tout temps l'endroit a été fort boisé ce qui limitait fortement la vue du paysage limitrophe. Vous l'avez compris , le nom de Besmaux, viendrait du gascon « y bési mau » : j'y vois mal !
Il n'est pas certain que cette très séduisante interprétation soit réellement à l'origine de ce nom !
Nous voici donc sur le domaine de Besmaux situé sur le territoire de la commune de Pavie.
La bastide de Pavie a été fondée le même jour que sa soeur jumelle la bastide de Mirande : le 5 mai 1281 par les mêmes co-seigneurs le comte Bernard IV d'Astarac et l'abbé Hugues de Cadeux prieur de l'Abbaye de Berdoues. Comme à de nombreuses autres bastides on lui attribua le nom d'une ville étrangère ( italienne )florissante et célèbre à cette époque : Pavie. Auparavant ce territoire se dénommait Esparsac.
L'abbaye cistercienne de Berdoues possédait à Esparsac une « grange » ( domaine agricole, unité d'exploitation dépendant d'un monastère ou d'une abbaye ).
Certaines sources précisent « Au sud-ouest d'Esparsac, l'abbaye cistercienne de Berdoues possédait une grange au hameau de Besmaux et des terres qu'elle exploitait.... ».
J'ai donc interrogé à ce sujet un chercheur historien : monsieur Jean Baptiste Naintré dont diverses études ont porté sur l'Abbaye de Berdoues voici ce qu'il m'écrit :
« La grange d'Esparsac, d'après le cartulaire de Berdoues, se situait non loin d'une des seigneuries des puissants Marrast, cependant plusieurs seigneurs y possédaient des terres : les Lasseran, les Bassoues qui ont réclamé une terre située contre la grange, la famille comtale, les Esparsac ( petite famille aristocratique vraisemblablement vassale des Marrast, les Castine ( petite famille aristocratique) les Sobayant, les Mazerolle , les Castello et enfin les Aubian...
La grange cistercienne d'Esparsac ne se trouvait pas à Besmaux c'est certain. Je n'ai jamais vu dans mes sources cette mention de « grange »...En revanche cette terre...était un fief dépendant d'ES VIVES.Il y avait à cette époque une église ... Cette terre semblait appartenir à deux familles : les Besmaux et la famille comtale ( celle-ci semble-t-il possédait même une garnison militaire .. ) »
Des chartes du XIIème et du XIIIème siècles démontrent que des familles nobles possédaient Besmaux ou avaient des droits honorifiques . Ainsi on peut relever dans le cartulaire de Berdoues :
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Charte 94-1156 : « Engagement du casal de Cérem et administration de Besmaux par Guillaume Bernard de Mazères moyennant 100 sous morlas ;
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399-1183 : « Sans de Larrese, Marquèse sa femme, Hispan, Llimisen et Gassion leur fils, une terre : 7 sous »
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400-1183 : « les mêmes leurs part de l'église de Besmaux s'élevant à la moitié du quart . »
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401-1183 : « Sans de Besmaux engage une terre : 3 sous . »
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402-1197 « Divers : Fort-Sans de Besmaux et Marquèse sa femme chacun 10 sous, Armand Caired, 18 deniers ; Sans-Fabri, 3 sous ; le Comte 8 sous et demi pour engagements, total : 1 livre, 13 sous. »
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396-1200 : Guillaume-Raymond de Besmaux, entrant en religion donne une terre à Besmaux, s'étendant vers le Sousson. » Dans l'acte : Armand-Raymond de Wilhem, Raymond de Besmaux qui reçoivent ;
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le premier 20 sous et le second 7 sous, total 1 livre,7 sous. »
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-398-1200 : « Fort Sans de Besmaux, sa fille Genesta et son mari Raymond une terre à Besmaux : 10 sous. »
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407-1200; « Renaude de Custines, Galarde son épouse, Bernard et Sénat leur fils, des terres en Esparsac : 1 livre 5 sous. »
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411-1234 : « Arnaud-Raymond de Besmaux, des terres à Besmaux . »
Ces documents militent en faveur de Besmaux, démontrent des prérogatives, spécifiant une administration ( charte 94 ) mais aussi une part d'église ( charte 400).
Au XVIème siècle Besmaux n'est qu'une petite métairie appartenant à Gabriel de Fleurian seigneur d'Es Vivès. En 1577 celui-ci marie sa fille Pellegrine à Manaud de Monlézun qui pris le nom de « du Bosc » du nom d'une métairie noble qui lui avait été attribuée. Il était surnommé capitaine Bosc . La dot de la mariée était la métairie de Besmaux. A l'époque Besmaux était un parsan de Pavie. ( on pourrait dire actuellement un hameau )
Durant une vingtaine d'années Manaud de Monlézun va, en rachetant des terres voisines et en agrandissant les bâtiments, faire de Besmaux un grand domaine.
Ainsi en l'espace de 20 ans de 1579 à 1599 les notaires de Pavie détiennent pour lui plus de 40 actes d'achats ou d'échanges de terres à Besmaux ( Revue de Gascogne 1895 p 387 ) Bien que ses terres soient roturières, puisque dépendant de la seigneurie d'Es Vivès, Manaud devient seigneur de Bosc et de Besmaux.
A la mort de Manaud en 1600, son fils aîné Louis hérita de Besmaux. Celui-ci épouse Philiberte de Luppé qui lui donna un fils : François de Monlézun dit Besmaux ;
Quelques dates importantes pour mieux préciser le contexte de cette période :
1610-1643 règne de Louis XIII ; 1643-1715 règne de Louis XIV de 1643 à 1661 Mazarin succède à Richelieu en tant que principal ministre.
Personnage de l'ombre, peu connu, aucun portrait ne le représente,il a rendu à la royauté d'importants services, d'abord en qualité de mousquetaire, puis de militaire pour terminer sa carrière comme gouverneur de la Bastille. François de Monlézun est né vers 1612 ou 1613. Très tôt il est admis comme cadet dans le régiment des gardes françaises où il rejoint un autre gascon : Charles de Batz-Castelmore. En 1640 Besmaux entre à la compagnie des Essarts en même temps que d'Artagnan et encore plus démuni que ce dernier. Il participa donc aux Gardes aux mêmes campagnes que d'Artagnan de 1640 à 1644 mais il n'entra aux mousquetaires que quelques mois plus tard. En 1646 il est choisi par M de Tréville pour entrer au service de Mazarin dont il devient « le domestique » pour remplir les mêmes fonctions de « courrier à cheval » qui seront en fait celles d'un aide de camp . Charles Samaran écrit en parlant de d'Artagnan et de Besmaux « Tous deux nageait dans la joie, et s'attendaient à faire dorénavant un chemin rapide dans le sillage du tout puissant ministre ; Ils croyaient même « que les cailles , pour ainsi dire, leur alloient tomber toutes rôties dans la bouche » Mais il leur fallut prendre patience... » S'agissant de Besmaux l ' historien ajoute ; « c'est à Mazarin qu'il va devoir sa fortune. Non seulement Mazarin le prend à son service personnel, mais il lui fait franchir rapidement les degrés de la hiérarchie militaire : aide de camp, maréchal de bataille, puis commandant de sa compagnie de chevaux-légers, enfin maréchal de camp et...capitaine de ses gardes !...C'est comme homme de confiance, envoyé secret, débrouilleur d'intrigues que Mazarin semble avoir employé, jusqu'à sa mort ( 1661 ) ce gascon en qui il avait reconnu les qualités qu'il exigeait de ses fidèles : agilité d'esprit, discrétion absolue et dévouement à toute épreuve ».
Besmaux était aussi un usurpateur , profitant des lacunes des institutions de cette époque, et afin de mieux paraître à la Cour il n' hésitât pas à créer de toutes pièces son faux titre de marquis de Besmaux. M Alphonse Branet lors d' une communication parue dans la Revue de Gascogne de 1895 ( p 385 ) s'indigne « Mais ici ce n'est pas l'esprit gascon qu'il faut accuser d'avoir crée de toutes pièces ce faux titre de marquis de Besmaux, il a eu des complices . C'est Paris qui s'est humilié devant le titre consacré par le succès, c'est la Cour seule qui a salué François Monlézun de ce faux nom dont la vraie qualification est : « un marquisat gascon à Paris » car c'est à Paris seulement qu'il a existé dans l'esprit et la bouche de ceux qui courbaient l'échine devant le parvenu. »
Constatant que Besmaux a obtenu un avancement plus rapide que d'Artagnan, André laffargue ajoute « Besmaux, s'il était vaniteux et avide de titres autant que d'argent, restait servile. Il avait l'échine souple parcequ'il était toujours prêt à ramasser. D'ailleurs, intelligent, débrouillard.. il ne cherchait qu'à plaire au Cardinal : c'était un domestique bon à tout faire, pourvu qu'il trouvât son profit. Entre lui et Mazarin, il y avait certainement des affinités de caractère. »
En 1654 Besmaux épousa une très jeune et riche orpheline, Marguerite de Pérol, ce qui ne pouvait que favoriser ses affaires ! Ses diverses possessions se multiplient dans le Cantal et en Picardie notamment. On peut penser qu'il ne négligea pas son château natal de Pavie.
En 1657 le domaine de Besmaux est anobli en reconnaissance des services rendus par son propriètaire mais il s'était déjà auto proclamé Marquis de Besmaux depuis longtemps !
Souvent présenté par les historiens ( Véronique Larcade , A. Laffargue) comme l'ami de d'Artagnan , on peut à la lecture de certains documents, (Mémoires de Mr d'Artagnan par de Courtilz de Sandras) relativiser cette amitié à la fois réelle mais ambiguë ( même si Besmaux deviendra un des témoins de mariage de d'Artagnan puisque sa signature figure sur l'acte de mariage de ce dernier en compagnie de celle de Louis XIV ! )
Peu de temps après ( en 1654) Besmaux rallie les troupes du comte d'Harcourt à la cause du Cardinal. La récompense sera à la mesure de ses services : la charge de gouverneur de la Bastille.
Il intègre ses fonctions le 10 avril 1658 avec un appointement annuel de 1200 livres. Une place de choix, comme le dit Charles Samaran :« une charge qui, si elle impliquait à l'égard de son titulaire une confiance totale de la part de l'autorité, était aussi une des plus lucratives du royaume... »
A. Laffargue ajoute « Pourquoi donc Besmaux avait-il pu être tenté par une charge de geôlier qu'il devait conserver précieusement jusqu'à la fin de ses jours en 1697 ? C'est que la Bastille était en principe, et en fait, une hôtellerie où le Roi recevait des invités- contraints- et dont le Gouverneur était le gérant à forfait. Pour chacun de ces « invités » le Roi allouait au gérant une somme déterminée d'après le rang social de l'intéressé, afin de pourvoir à l'entretien et à la nourriture de celui-ci....l'allocation n'était pas chiche... »
Si l'on en croit une note de Besmaux de 1661 les prisonniers étaient peu nombreux à la Bastille « une quarantaine et même moins selon les années. On y voit beaucoup plus de gens inoffensifs que d'individus vraiment dangereux, et surtout des gens à qui le roi désirait donner un coup de semonce pour les empêcher de faire quelque sottise à quoi les auraient portés leur tempérament impulsif ou exalté. » ; Il y avait aussi des personnages de tout premier plan. Ainsi Fouquet arrêté en 1664 par d'Artagnan sur ordre de Louis XIV, conduit à la Bastille, fut confié par Colbert à la charge personnelle et permanente de d'Artagnan, ce qui ne manquât pas d'affecter Besmaux et d'effriter définitivement l'amitié entre les deux gascons.
Mme Odile Bordaz écrit « Besmaux apparaît comme un personnage controversé, imbu de de sa personne, il représentait le type même du Gascon habile et vantard que la littérature tournait alors en dérision... Il est cependant un point qui fait l'unanimité sur sa personne : sa richesse !... Ainsi Bussy Rabutin parlant du mariage de sa deuxième fille écrit « Baisemeaux maria jeudi dernier sa seconde fille au comte de Curfon : il lui donne 80 000 écus, comme il a fait à l’aînée qui a épousé Sanmery...c'est le plus riche gentilhomme de France. » A son fils qui épousa Mlle de Villacert il lui donna 42 000 livres en fonds de terre.
Comme nous venons de le voir, François de Monlézun a eu 2 filles et un fils, Jean Baptiste ( né en 1660 ) unique héritier et qui décédera en 1696 soit un an avant lui en laissant pour héritière, une fille Marie-Geneviève. Celle-ci épousa en 1707 Hyppolyte de Beauvilliers duc de Saint Aignan. La haute position de son mari, ambassadeur, pair de France, membre de l' Académie Française... lui fit mépriser Besmaux qu'elle vendit en 1713 à Jean Vendière, conseiller du Roi.
C'est alors que Louis-Joseph de Luppé fit jouer le retrait lignager permettant à un parent du vendeur d'une terre de la reprendre à l'acquéreur pour le même prix lorsque la terre avait appartenu à un ancêtre commun, ce qui était le cas grâce à Philiberte de Luppé..
Les Luppé quittèrent alors Lasseran pour venir s'installer à Besmaux . Le petit fils de Louis, Louis-Ferdinand, général, se maria en 1825 avec Marie de Menou. A moins de 40 ans le général prit sa retraite pour se consacrer à la gestion de son domaine de Besmaux. Il tint aussi sa place dans la vie politique locale, puisqu’il fut élu maire de Pavie en 1830, mais aussitôt destitué suite à la révolution de juillet, il fut réélu en 1838 et conserva la mairie jusqu'à sa mort en 1863.
Louis-Ferdinand a eu , en 1826, une fille Marie de Luppé qui épousa en 1846 le Comte George Dillon issu d'une famille irlandaise aux multiples ramifications. Le nouveau maître des lieux s' intègre avec succès dans la vie locale. Pour se faire comprendre de ses compatriotes d'adoption il avait appris le patois et composé un dictionnaire pour son usage personnel ( le français étant à peu près inconnu en Gascogne ) ; A la mort de son beau père il fut élu maire de Pavie et il le restera pendant 33 ans jusqu'à son décès.
Après l'invasion du phylloxéra, il fut l'un des promoteurs des plants américains. C'est à Besmaux que furent expérimentées les premières faucheuses, les premiers brabants,les premières moissonneuses, la première batteuse également. C'est encore lui qui fonda une société de Secours mutuel ; ainsi qu'un syndicat agricole départemental et une coopérative !
Ceci n'empêchait pas le couple de passer l'hiver à Paris, où ses relations étaient nombreuses et où Georges était assidu aux réunions des Agriculteurs de France.
Le général de Luppé d'abord, puis son gendre George Dillon ont procédé à de nombreux remembrements pour supprimer des enclaves et améliorer l'environnement avec
notamment l’aménagement du potager et du « grand lac » ( qui en fait était un tout petit étang crée au départ sur une terre d'un voisin !...) ainsi Besmaux devint à cette
époque un domaine de 1200 hectares !
Le parc comptait alors 17 km d'allées sablées qui permettaient à la comtesse George Dillon de s'y promener. C'est au bout d'une de ces allées que la comtesse avait fait contruire le « banc romain » afin que leur fils Robert Dillon puisse facilement tirer les lapins alors abondants dans la campagne environnante ! Hélas celui-ci de santé fragile ne put en profiter bien longtemps puisqu' il décéda en 1870 à l'age de 22 ans.
C'est un arrière petit neveu du comte George Dillon, Auguste qui arrive à Besmaux en 1902 , il fut élu maire, mais à la mort de son oncle et de sa tante en 1904, se retrouvant seul et dépassé par ses charges, il quitta Besmaux .
En janvier 1905, son frère Jacques, comte Dillon militaire à Toul fit une demande de congé de 3 ans pour s'installer à Besmaux. Affecté au 308° RI de 1914 à 1916 il suivit tous les combats et occupa toutes les tranchées du nord-est. Nommé chef de bataillon en 1916 il rejoint le 88° RI à Auch, puis en 1918 il fait fonction de lieutenant-colonel. Démobilisé pour Noël 1918 il rentre à Besmaux. Il occupe diverses fonctions : vice président de la chambre d'agriculture, président des Anciens Combattants... Pressenti par la Résistance pour prendre la tête d'un maquis, sous l'occupation allemande, il refusa estimant que son age ne lui permettait plus d'avoir une mobilité suffisante pour mener à bien une telle mission... Mais il arrivait que tard dans la nuit les chefs de maquis viennent à Besmaux, solliciter quelques conseils.
Parmi les 8 enfants de Jacques, comte Dillon il y eut Robert, ingénieur Agronome qui fut fait prisonnier par les allemands et parvient à s'évader du fort du Hâ de Bordeaux et trouva refuge dans les bois voisins de Besmaux où il attendit la Libération. Souvent la nuit, pendant cette période les réserves contenues dans le garde à manger disparaissaient mystérieusement au grand dam de la cuisinière Irma !
Robert Comte Dillon épousa en 1933 Madeleine de Castelbajac ils eurent deux enfants dont Françoise Dillon , qui épousa en 1954 Joel de Sèze. A leur tour, ceux-ci eurent 3 enfants : Guy de Sèze, Emmanuel de Sèze, et Chantal de Sèze . Mme Françoise de Sèze décéda prématurément en 1963 à l'age de 29 ans.
A l'époque de Robert le château de Besmaux était périodiquement habité, par la suite, après son mariage, M de Sèze s'occupa de la propriété mais le château demeura fermé durant de longues années.
C'est alors, que les frères de Sèze décidèrent, il y a une trentaine d'années, de «reprendre» Besmaux pour en faire un lieu de détente et transformer les dépendances en gîtes. Avec des moyens certainement limités ils parvinrent néanmoins à mener à bien cette lourde tâche pour le plus grand plaisir des habitués des lieux.
En 1993 un événement vint rendre le sourire aux propriétaires de Besmaux. Le domaine servit de décor à un film de Claude Miller : « le sourire » sorti le 17/08/1994 avec JP Marielle, Richard Bohringer, Emmanuelle Seigner. Il raconte le destin d'un médecin sexagénaire menacé d'un deuxième infarctus.... A cette occasion le château et le parc eurent droit à un véritable lifting aux frais de la production.
Le Château
D'après les données historiques nous pouvons raisonnablement penser que l'ancienne métairie a été transformée à partir du XVII ° Siècle et que le « château » a subi de multiples transformations au cours des XVIII ème et XIX ème siècle.
Ce qui est frappant à Besmaux, c'est le contraste architectural qui existe entre la façade sud et la façade nord du bâtiment. Lorsqu'on voit une photographie de chacune de ces façades on a du mal a imaginer qu'il puisse s'agir du même château.
Ici le caractère défensif et médiéval de la plupart des châteaux gascons a complètement disparu. La basse-cour et la cour intérieure ont été remplacées par un grand parc appelé autrefois cour d'honneur. Il s'agit d'un bâtiment purement résidentiel.
Le bâtiment de plan rectangulaire avec ses deux ailes latérales présente côté sud une façade caractéristique du XVIIIème siècle : Les grandes fenêtres parfaitement superposées et de mêmes dimensions avec leur huisseries et vitrerie de petits carreaux donnent un caractère élégant de quadrillage. On note sur la partie centrale, la superposition de la porte d'entrée de belle dimension (actuellement en fer forgé ) avec un balcon au 1er étage. Le grand fronton triangulaire percé d'un œil de bœuf repose sur deux pilastres en bossage délimitant cet avant-corps central.
Sur la partie supérieure le pare soleil est orné de motifs losangés à l'aplomb des fenêtres du 1er étage. Autrefois une terrasse recouvrait le bâtiment ( Elle a été remplacée au XIXème siècle par une toiture à deux pentes recouverte de tuiles plates )
L'équilibre de proportions et de symétrie donne à cette façade beaucoup d'allure.
Côté nord on remarque une profusion de tours circulaires surmontées de toits coniques fortement pentus et couverts d'ardoises. Outre la tour d'angle ( nord-ouest ) agrémentée d'une belle rosace sur sa partie supérieure, on compte sur cette même façade 4 autres tours ( dont deux juxtaposées ).
Ces tours n'avaient aucun caractère défensif, il ne s'agissait non plus de tours- escalières mais vraisemblablement d'annexes d'appartement destinées à agrandir l'espace habitable.
Voici des extraits des notes écrites par le comte Jacques Dillon à l'intention de ses enfants :
« La partie centrale, sur la cour d'honneur, était coiffée d'une terrasse à l'italienne qui a été relevée au XVIII° siècle pour permettre aux eaux de pluie une évacuation plus rapide. Ceci n 'a pas embelli la façade en laissant voir la toiture derrière les balustres ....Vu de l'entrée, Besmaux est incontestablement devenu du style Louis XVI comme l'intérieur de l'habitation, alors que la façade nord a l'aspect curieux d'une série de bâtisses d'autrefois, toute en saillants et clochetons poussés là sans rime ni raison....»
La chapelle
« C'est Jean-Charles de Montlézun, abbé de Saramon qui fit construire la chapelle actuelle quand il vint se retirer à Besmaux que son aîné, gouverneur de la Bastille, avait plus ou moins délaissé pour suivre son étoile. Il fit divers legs se montant à 1900 livres aux Carmes de Pavie, à charge pour eux d'entretenir la chapelle et d' y dire deux messes par semaine « tant que le monde durerait ». Au début tout alla bien, puis, après la mort de Jean-Charles, les Carmes prirent l'habitude de dire leur deux messes dans leur couvent Saint-Anne de Pavie: ils déménagèrent la chapelle et en laissèrent le toit s’effondrer.
Quand Louis de Luppé vint s'installer à Besmaux, le désastre était tel que l'archevêque d'Auch, Mgr d'Apchon, ne put qu'interdire d'y célébrer la messe. Louis de Luppé se retourna contre les Carmes et après une procédure de 5 ans, les moines durent réparer la chapelle et rapatrier les ornements. Pour se venger, ils venaient dire la messe à l'improviste et « quand les Luppé se présentaient s'est tout juste s'ils arrivaient pour recevoir une bénédiction narquoise » .Nouvelle plainte : la messe devra être annoncée 10 mn à l'avance. Le desservant se présente alors à 4 heures du matin et le prieur des Carmes écrit « M le vicomte et la dame du château m'ont fait dire qu'ils étaient encore dans leur porte-feuille».
Ceci se passait le 5 juin 1789 et la Révolution vint mettre tout le monde d'accord !
La bibliothèque
Ce sont toujours des extraits des notes de Jacques Dillon : « Nous avons transporté la bibliothèque dans la salle à manger. C'est votre grand-père Villoutreys qui nous a donné l'idée de copier les armoires de la bibliothèque de Versailles, dans l'ancien hôtel des Affaires Etrangères. L'ébéniste qui s'en est chargé, Tesnier, rue de l'Université à Paris, devait terminer la pièce par des portes et fenêtres du même style. Pour laisser souffler ma trésorerie, j'eus la malencontreuse idée de couper le travail par 3 ans de repos. On était en 1911, la guerre survint et, en 1919, la réserve de chêne de Hongrie était épuisée chez Tesnier, il fallait la reconstituer et la laisser sécher 10 ans. Bref la pièce ne fut pas achevée et ne le sera sans doute jamais. Comme plafond, une toile marouflée, peinte en ciel, devait s'appuyer sur le boudin qui est prêt à la recevoir au dessus des armoires.
Sur toute la hauteur de la pièce, une niche abrite une statue en plâtre de Diane chasseresse plus grande que nature. Suivant la tradition familiale, elle aurait été rapportée de Rome par Madame de Menou et, les chemins de fer n'existant pas encore, elle aurait fait le voyage Rome-Besmaux sur un lit de paille dans un char à bœufs. »
Rappel : le domaine de Besmaux est une propriétè privée et son château ne se visite habituellement pas.
Bibliographie :
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Les Dillon en France ( Marquis de Certaines ).
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D'Artagnan Capitaine des Mousquetaires du Roi ( Charles Samaran ).
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Besmaux ( www.lemondededartagnan.fr ).
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Bulletin du Centre de recherche du château de Versailles : Versailles sous Louis XIV ou le tombeau des Cadets de Gascogne ? ( Véronique Larcade ).
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Cartulaire de Berdoues p 593 ( Archives Départementales du Gers )
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Le Marquis de Besmaux, compagnon de d'Artagnan par Véronique Larcade
( http://www.pavie.fr ) histoire.
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Mémoires de Monsieur d'Artagnan ( Gatien de Courtilz de Sandras )
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Sté Archéologiques du Gers -Besmaux ( 1916 p 185- 1917 p 105-106,1922 p 233-238 )
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panneau informatif du Vert en L'air .
Mes remerciements à toutes celles et à tous ceux qui par leur contribution diverse m'ont permis de préparer cette visite et de réaliser ce dossier en particulier à :
Emmanuel de Sèze,
Jean-Baptiste Naintré,
Chritophe Balagna,
le gérant du Vert en l'Air,
l'accueil des archives départementales,
Gérard Labedan,
Marie Thérèse Castadère,
Christiane Goergen-Trépout .....
Visite du domaine de Besmaux par les Amis du Vieil Auch , le 19 octobre 2011 Texte et photographies : Pierre Dutil